TRAILS ENDURANCE MAG, NUMERO 87, JUIN-JUILLET 2011 : LE TRAIL DES GLAISINS DU 2 AVRIL 2011

Le numéro 87 (juin-juillet 2011) de « Trails Endurance Mag » est paru aujourd’hui mardi 7 juin 2011. Y figurent mes deux chroniques concernant le Trail des Glaisins du 2 avril 2011 et le Nivolet-Revard du 1er mai 2011.

Dans deux billets différents, vous trouverez les deux articles originels avant d’être un tant soit peu élagués par la rédaction pour être mis en page. Ci-dessous, vous pourrez lire celui des Glaisins.
Dans le prochain numéro, en l’occurrence le 88 (août-septembre 2011), je rédigerai deux textes :
- Un portrait de Céline Lafaye, qui n’a jamais été aussi extraordinaire que cette saison, tordant le coup à ceux qui pensaient qu’elle ne pourrait plus jamais progresser.
- Un reportage sur le Marathon du Mont-Blanc du 26 juin 2011, comprenant entre autres les sensations de Delphyne Burlet alias Delphe2466, ancienne étoile du biathlon français entre février 1992 et avril 2002, qui prendra le départ pour la première fois.
Et dans le numéro 89 (octobre-novembre 2011), est d'ores et déjà programmé un papier relatif à Sandrine Monier, une des meilleures raideuses multisports hexagonales.



4E TRAIL DES GLAISINS / 2 AVRIL

LE DON DE SOI EN COURANT

Données calendaire, organisationnelle mais par-dessus tout caritative témoignent de l’exceptionnel succès du Trail haut-savoyard des Glaisins où éclate au grand jour la forte personnalité de son chef d’orchestre : le Marseillais Jean-Marie Fontana.
Quant à la prouesse sportive, elle aura porté au pinacle trois merveilleux athlètes, dominant de la tête et des épaules leur sujet : Cyrille Hanriot sur le 18km, Karine Marguerettaz et Charles Dubouloz sur le 29km.

262 classés sur l’édition princeps de 2008, 301 en 2009, 596 l’an passé, enfin 804 cette année. Les Glaisins n’en finissent plus de dérouter le landernau de la course nature dans les Pays de Savoie, devenant en trois ans l’un de ses rendez-vous les plus populaires. C’est ce qu’on appelle l’action éclair.
Pari réussi donc pour les maîtres d’œuvre de l’Union Sportive et Musicale Ancilevienne, au premier chef son pionnier Jean-Marie Fontana, 65 ans, bien épaulé par une cinquantaine de bénévoles. Surtout à l’heure où le calendrier des courses hors stade n’en finit plus d’exploser, où la concurrence fait rage, engendrant l’échec de moult épreuves ou pis, leur disparition prématurée. Bien évidemment, le judicieux apport en 2010 d’un second parcours plus light, un 18km au côté du traditionnel 29 bornes n’est sans doute pas étranger à cette envolée plébiscitaire. Mais les vraies causalités sont à rechercher ailleurs.

Courir pour autrui
Avant toute autre considération, cette fête dont la commune résidentielle d’Annecy-le-Vieux, à quelques enjambées de la préfecture haut-savoyarde, sert de camp de base, est placée sous le sceau de la magnanimité. Les deux tiers de la plus-value sont en effet reversés à une famille en difficulté financière ayant un enfant gravement malade ou lourdement handicapé, le tiers restant étant dévolu à l’achat de matériel sportif pour ces mêmes enfants. Cette année, le bénéfice revenait aux parents d’Anthony dit l'Ange Nony, 13 ans, qui hélas décédera trois semaines après l’évènement (voir infra).
Ce 2 avril, le slogan, « Pour un peu de soleil » résonne comme un leitmotiv. A l’image du départ où les trailers reconnurent la voix méridionale et déterminée du Marseillais Jean-Marie Fontana, s’époumonant : « Chers amis coureurs, si vous parvenez éreintés sur le faîte du parcours alors qu’il reste tant de kilomètres encore à arpenter, vous n’oublierez surtout pas les souffrances des parents et de leur enfant malade; peut-être, cela vous permettra-t-il de reprendre quelque peu votre souffle… »
Et pour les trailers dissipés ou encore indifférents n’ayant pas prêté l’oreille, ils ne pouvaient pas s’élancer sans avoir distingué la silhouette de ce triathlète handisport d’exception qu’est Stéphane Rouyer, le parrain de cette épreuve hors norme.
Nullement surprenant dans ce contexte d’observer Jean-Marie Fontana donner aussitôt son aval au Challenge des Cinq Soleils, créé le 25 décembre dernier par Marlon Santi, et agrégeant, grande première, cinq courses entièrement caritatives des Deux Savoie (se reporter au texte ci-dessous).

Atouts maîtres en cascade
Mais pour comprendre le succès des Glaisins, ne faisons surtout pas fi de trois autres paramètres.
Idéalement placée dans le calendrier pour être celle qui frappe les trois coups de la saison de trail dans les Pays de Savoie, cette manifestation offre un parcours bien singulier. Léchant ici le Lac d’Annecy, embrassant par là de somptueux panoramas sur la formidable muraille calcaire du Parmelan. Rendant visite encore au Mémorial du Capitaine Anjot, une des figures du Maquis des Glières, veillant ainsi à garder dans nos mémoires la geste des Partisans se sacrifiant pour notre liberté.
C’est enfin une des rares courses nature des deux départements savoyards à n’avoir jamais majoré ses modestes tarifs. Preuve irréfutable pour Jean-Marie Fontana que convaincre n’est pas une question de prix mais de services. Et celui-ci d’ajouter sans ambages : « Contrairement à certaines compétitions, la nôtre n’est en aucun cas une pompe à fric, ou alors une pompe à fric mais pour les familles des enfants malades. »
Incontestablement dépourvu de valeur marchande, les architectes des Glaisins n’en cherchent pas moins à mettre l’accent sur la qualité des prestations, celles de l’accueil, de la convivialité et de la simplicité au premier chef. En substance, un retour aux authentiques valeurs originelles du trail, que certains, trop vite oublieux, n’hésitent plus de nos jours à bafouer sans vergogne… Quelle est ainsi sous l’arche d’arrivée cette stature imposante qui est là pour accueillir, micro en main, chacun des concurrents, du lauréat au serre-file, le congratulant et le réconfortant, s’enquérant sur ses sensations ? Le Phocéen bien sûr… Baume salvateur que tous apprécient, édulcorant quelque peu les souffrances endurées, en particulier celles des anonymes du peloton qui n’ont jamais l’honneur de s’exprimer, franchissent souvent la ligne dans une totale indifférence. Cette hospitalité là, c’est l’une des marques de fabrique des Glaisins, sans doute l’une des plus belles prestations qu’un organisateur puisse offrir au trailer… A la vitesse de la lumière, Jean-Marie Fontana nous montrait ainsi qu'il avait tout compris à l'esprit trail !

Hanriot haut de gamme
Mais qui a dit que le trail était l’affaire des seniors en pleine force de l’âge, sinon des quadragénaires ? A regarder de près les résultats du 18km, d’un excellent cru au demeurant, cette affirmation péremptoire passe rapidement de vie à trépas, pas moins de trois jeunes loups d’une vingtaine d’années préemptant en effet le top 5. A l’instar du talentueux Guillaume Fantin (ASPTT Annecy), second, anciennement vététiste au Vélo-Club de Rumilly, déjà une victoire à son actif (27km de la Saintinoise en 2010), Nathan Ferreira (Entente Athlétique de Chambéry), 3e, ou encore Julien Denis (Annecy-le-Vieux Of Course), 4e.
Seul Cyrille Hanriot, 37 ans, parvenait à dompter cette fougue juvénile, faisant cavalier seul et reléguant ainsi son plus redoutable adversaire à près de cinq minutes. Un monde pour une distance aussi brève ! Ralliant cette saison l’Athlétic Club de l’Ondaine de Firminy et le Team Inov-8, ce sapeur-pompier d’origine francilienne, Haut-Savoyard depuis 2001, se fixe comme objectif d’étrenner et remporter le Challenge National de Course en Montagne. Avec des chances non-négligeables d’y parvenir vu son énorme potentiel, à condition toutefois que son tendon d’Achille ne le titille pas… Parallèlement, il n’exclut pas de disputer le Trail Tour National (TTN), version petit format, en fonction d’une performance de choix sur la Montée du Grand Ballon, le 2 juin. TTN où il s’est déjà illustré par une remarquable 3e place dans le contexte très relevé du Trail Givré, épreuve à bonus concourue dans le Rhône.
Quant à l’Annécienne Karine Diz Grana, 29 ans, elle touchait le jackpot pour sa course nature initiatique, l’emportant d’une courte tête sur l’excellente ultra-traileuse Maïlys Drevon (Team Sport 2000 Epagny), 4e sur l’ultime Diagonale des Fous, semée très rapidement. Sociétaire du Team Raid74, maître d’œuvre de la nouvelle Annécime sous le sobriquet de DSN74, elle s’est tellement prise au jeu qu’elle ira assouvir sa nouvelle passion sur le 28km de Faverges.

Quand l’élève dépasse le maître
Quant au 29km, il a vu le phénoménal Charles Dubouloz s’offrir une insolente promenade de santé, se permettant même, réfractaire à l’effort solitaire, de musarder jusqu’au 11ekm en compagnie de Pascal Giguet, 42 ans, à la fois coéquipier modèle et indéfectible ami du Team Scott. Son deuxième père spirituel en quelque sorte après Jean-Louis Bal, son coach de l’Espérance Favergienne, 53 ans cette année. Lauréat les trois premières éditions, le maître se contentera d’être le dauphin de l’élève nonobstant les tentatives désespérées pour conserver son titre.
La 3e marche du podium, un moment dans l’escarcelle du pensionnaire de l’Espérance Favergienne Stéphane Avrillon, 36 ans, avant qu’il ne soit perclus de crampes à 4km du but, reviendra finalement à Lionel Mathieu (Foulée d’Annemasse et Team Sport 2000 Pays Rochois). Agé de 35 ans, coureur de montagne au départ, celui-ci confirme ainsi sa prédisposition pour le trail courte distance, entrevue lors de son triomphe l’an passé sur le 35km des Allobroges.
Cela faisait un bail que Charles Dubouloz, étudiant en licence en commercialisation de produits sportifs, n’avait plus porté de dossard. Depuis le 27 juin 2010 précisément, où il avait alors éclaboussé la Vallée de Chamonix de tout son talent à l’occasion de son premier trail long : le Marathon du Mont-Blanc avec à la clef une 3e position. Son mentor Jean-Louis Bal en fut abasourdi : « Jusque-là, on n’avait jamais observé en trail-running un athlète aussi jeune (il est né le 18 mai 1989) accaparer le podium sur une distance de cet acabit ». Malheureusement, la suite ne fut pas à l’avenant : vrai-faux départ pour le milieu du cyclisme, portant à l’automne les couleurs du Vélo Club Vaulx-en-Velin le temps d’une… journée ; désir d’abandonner toute compétition en décembre ; tendinite rotulienne en février qui lui interdit la Sauta Roc ; bronchite asthmatiforme en mars lui barrant la route de la Sainte-Baume et du Ventoux. Inéluctablement, ses entraînements furent réduits à la portion congrue et quasiment dépourvus de séances de qualité (sept au total en janvier-février). « Sans ses pépins de santé, il est clair que Charles aurait pu encore gagner une dizaine de minutes aujourd’hui », déclara sans l’once d’une forfanterie Jean-Louis Bal sur l’aire d’arrivée des Glaisins. De quoi susciter bien des insomnies à ses émules, en particulier ceux du Maxi-Race du Lac d’Annecy et du Marathon du Mont-Blanc où il prendra le départ !
Pour la gent féminine, l’Annécienne Karine Marguerettaz a littéralement dévoré les 1600m de dénivelée pour aller cueillir, après la Course du Vuache, son deuxième bouquet 2011. Et de quelle façon s’il vous plaît, s’approchant du chrono 2009 de Stéphanie Duc, une des plus brillantes sur le circuit courte distance, pulvérisant encore le sien de 18’05’’ au regard de l’édition 2010 où elle s’était classée seconde. Férue de cross et de route, inversement manquant d’expérience en course nature, elle enregistre donc des progrès spectaculaires qu’elle entend bien faire fructifier sur le 33km de la Maxi-Race du Lac d’Annecy, le 29 mai. Cette femme à l’immarcescible sourire, c’est une perle. Agée de 37 ans et de souche thonaine dans les Aravis, farouchement indépendante (ni club FFA, ni team, ni sponsor), elle ne cesse de cavaler au feeling, sans calendrier, sans plan établi. Avec toujours le même bonheur et la même… prouesse au bout du chemin !
Les deux vétéranes haut-savoyardes complétant le podium n’auront quant à elles jamais pu se départager, franchissant la ligne de conserve mais 17 minutes après Karine, la renommée Martine Volay (Team Sport 2000 Epagny), 44 ans, excellant dans les ascensions, l’inconnue Blandine Daval-Pommier, 42 ans, comblant son retard dans les descentes.
François Vanlaton


P.S. : Quelques jours après son écrasante victoire sur le 18km du Trail des Glaisins, Cyril Hanriot s’est de nouveau blessé au tendon d’Achille, anéantissant ses ambitions sur le Challenge National de Course en Montagne et le Trail Tour National (TTN) court. Cependant, il a très bon espoir d’être rétabli pour le 7 août prochain, date du Championnat de France de Course en Montagne à Tardets dans les Pyrénées-Atlantiques.


LES PODIUMS :

18KM :
1 Cyrille Hanriot (Team Inov-8 et Athlétic Club de l'Ondaine Firminy) en 1h14’22’’.
2 Guillaume Fantin (ASPTT Annecy) en 1h19’14’’.
3 Nathan Ferreira (Entente Athlétique de Chambéry) en 1h19’33’’.
1 (44e au scratch) Karine Diz Grana (Team Raid74) en 1h38’01’’.
2 (50e au scratch) Maïlys Drevon (Team Sport 2000 Epagny) en 1h39’54’’.
3 (107e au scratch) Amandine Donzel (Elan Voglanais) en 1h54’28’’.

29KM :
1 Charles Dubouloz (Team Scott et Espérance Favergienne) en 2h38’38’’.
2 Pascal Giguet (Team Scott et Athlétic Sport Aixois) en 2h40’18’’.
3 Lionel Mathieu (Team Sport 2000 Pays Rochois et Foulée d’Annemasse) en 2h43’22’’.
1 (49e au scratch) Karine Marguerettaz (résidant à Seynod) en 3h10’42’’.
2 (96e au scratch) Blandine Daval-Pommier (Montrail) en 3h27’45’’.
2 (96e au scratch) Martine Volay (Team Sport 2000 Epagny) en 3h27’45’’.


LE CHALLENGE DES CINQ SOLEILS :
Fondé le 25 décembre 2010, il agrège cinq courses à pied se disputant dans les Pays de Savoie. Ces cinq épreuves ont la particularité d’être entièrement caritatives, c'est-à-dire que la totalité des recettes récoltées est octroyée à des œuvres de bienfaisance. Ce sont :
- Le Trail des Glaisins à Annecy-le-Vieux, le 2 avril 2011.
- Odysséa à Chambéry, le 28 mai 2011.
- La Course de la Bialle à Fréterive et Montailleur, le 18 septembre 2011.
- Les 24 Heures du Téléthon de Bassens, les 3 et 4 décembre 2011.
- La Corrida pour Armande à Chanaz, le 17 décembre 2011.


UN ANGE S’EN EST ALLE :
804. C’est le nombre record de trailers sur quatre éditions ayant arpenté le 2 avril dernier les chemins et sentiers des Glaisins, insufflant ainsi tendresse et réconfort à Anthony Méo, édulcorant un tant soit peu les terribles souffrances qui n’auront jamais cessé de l’habiter. Une bouffée d’oxygène, un rayon de soleil, un geste certes ténu à travers l’épreuve du temps, mais oh combien généreux, que sa famille en gardera certainement un souvenir indéfectible.
Celui qu’on surnommait familièrement l'Ange Nony, nous aura administré une formidable leçon de courage et d’humilité, au point de ne jamais abjurer son idée centrale : celle de vivre et d’espérer passionnément, perpétuellement. Toisant en conséquence cette épouvantable maladie génétique orpheline, dénommée épidermolyse bulleuse, qui dévaste l’épiderme et les muqueuses, induisant des soins substantiels et quotidiens.
Cette volonté de fer, cette abnégation de l’Ange Nony pour demeurer parmi nous, sa singulière joute contre ce fléau, c’est constamment que sa famille, à la fois digne et admirable, faisant totalement corps avec lui, les aura fait siennes, imposant dès lors le respect absolu.
L’Ange Nony, 13 ans, qui vivait à Meythet près d’Annecy, nous a quittés lundi 25 avril, ralliant les cieux où déjà il accroche ses premières étoiles, veillant ainsi à ses parents et ses trois petites sœurs.
François Vanlaton

Le site de l'Ange Nony : http://www.langenony.fr/